TROIS FEMMES
Le dîner tirait à sa fin.
Il avait été remarquablement silencieux. Patrick, encore que conscient de sa disgrâce, avait fait quelques efforts pour engager la conversation, mais ils avaient reçu si peu d’encouragements qu’il avait compris que mieux valait ne pas insister. Phillipa Haymes était perdue dans ses pensées. Miss Blacklock, qui portait ses camées, avait les traits tirés et ses gestes trahissaient une nervosité inquiète.
Quant à Julia, elle avait durant toute la soirée affiché une sorte d’indifférence assez cynique.
— Je suis navrée de ne pouvoir m’en aller tout de suite, avait-elle expliqué, mais j’imagine que Messieurs les policiers ne me le permettraient pas. Il est d’ailleurs probable que je ne vous encombrerai pas longtemps. Je suis bien sûre que, s’il n’était pas accaparé par la recherche de miss Marple, l’inspecteur Craddock m’aurait déjà passé les menottes...
Quelques instants avant le dîner, Mitzi, l’air plus bouleversé que jamais, était venue annoncer qu’il ne fallait pas compter sur elle pour la cuisine.
— Je ne veux plus rien faire dans cette maison ! avait-elle déclaré. J’y resterai jusqu’à demain matin, mais enfermée dans ma chambre ! Pour avoir tué cette miss Murgatroyd, si bête qu’elle ne valait même pas d’être assassinée, il faut que le meurtrier soit un fou et un fou, ça tue n’importe qui ! Je ne veux pas être sa prochaine victime et la cuisine n’est pas sûre ! Il me semble tout le temps qu’il y a quelqu’un dans la cour et je ne peux plus y tenir. Alors, je vous rends mon tablier et je vais me barricader dans ma chambre. Je vous verrai demain, miss Blacklock, si vous êtes encore en vie. Mais, comme ce n’est pas certain du tout, c’est « adieu ! » que je vous dis !
Elle était sortie là-dessus, sans attendre la réplique de miss Blacklock, et Julia avait, le plus calmement du monde, annoncé qu’elle allait s’occuper du repas, ajoutant :
— Vous vous sentirez beaucoup plus à l’aise si je ne me trouve pas à table avec vous et Patrick pourra toujours goûter les plats avant tante Letty, pour qu’elle soit bien sûre qu’ils ne sont pas empoisonnés...
Le dîner, en tout point excellent, terminé, Julia servit le café dans le petit salon. On resta au coin du feu, dans un silence presque total. Personne n’avait rien à dire.
A huit heures et demie, l’inspecteur Craddock appela miss Blacklock au téléphone.
— Je serai chez vous d’ici un quart d’heure, lui annonça-t-il. J’amènerai avec moi le colonel et Mrs. Easterbrook, ainsi que Mrs Swettenham et son fils...
Miss Blacklock protesta.
— Mais, inspecteur, il m’est absolument impossible de recevoir ce soir... Je ne suis pas en état...
— Je comprends très bien, miss Blacklock, et je regrette. Mais je ne puis agir autrement.
— Avez-vous... retrouvé miss Marple ?
— Non.
Julia enleva les tasses vides et les reporta à la cuisine, où, à sa grande surprise, elle rencontra Mitzi qui contemplait d’un air consterné la vaisselle sale posée près de l’évier.
— Regardez-moi ça ! s’écria-t-elle quand elle aperçut Julia. Cette poêle, je ne m’en sers que pour les omelettes ! Qu’est-ce que vous avez fait frire dedans ?
— Des oignons.
— Je m’en doutais. Elle est fichue ! Il faudra la laver. Or, une poêle dans laquelle on fait l’omelette, ça ne se lave pas ! Ça s’essuie et ça se frotte avec un journal roulé en boule !... Pour cette casserole-là, c’est pareil ! Elle ne doit servir que pour le lait et...
Julia, impatientée, riposta avec aigreur :
— Si c’est comme ça, pourquoi avez-vous dit que vous alliez vous coucher ? Vous êtes impossible ! Remontez chez vous !
— Jamais de la vie ! Vous n’avez rien à faire dans ma cuisine !
Excédée et furieuse, Julia prit le parti de battre en retraite. Elle sortit en claquant la porte. Au même instant, on sonnait à l’entrée.
— Vous pouvez aller ouvrir, cria Mitzi. Moi, je n’irai pas !
Julia alla à la porte.
C’était miss Hinchliffe.
— Bonsoir, dit-elle. Navrée de vous déranger... mais je pense que l’inspecteur a téléphoné.
— Oui, mais il ne nous a pas annoncé votre visite...
— Il m’a assuré que je pouvais venir si ça me faisait plaisir. Or, justement, ça me fait plaisir...
Personne ne fit allusion à la mort de miss Murgatroyd, personne ne crut devoir présenter à miss Hinchliffe des condoléances. Son visage ravagé par le chagrin laissait deviner qu’elle n’attendait de personne aucune parole de sympathie.
— Allumez toutes les lumières, ordonna miss Blacklock, et poussez le feu ! Je meurs de froid. Venez vous asseoir auprès du feu, miss Hinchliffe. L’inspecteur ne tardera plus...
— Mitzi est revenue à la cuisine, annonça Julia.
— Elle doit être folle !... Je commence à croire que nous le sommes tous !
On entendit devant la maison le bruit d’une voiture. Peu après, le colonel et Mrs. Easterbrook entraient, suivi de Mrs. Swettenham et d’Edmund. Les uns et les autres avaient l’air passablement ennuyés. Mrs. Easterbrook refusa de retirer sa fourrure et s’assit à côté de son mari. Edmund, évidemment de très mauvaise humeur, fronçait le sourcil. Mrs. Swettenham, soucieuse de cacher son inquiétude s’imposa un gros effort pour être naturelle et aboutit à donner d’elle-même une sorte de parodie très réussie.
— Nous vivons des heures dramatiques, décréta-t-elle, et le plus simple est de ne pas parler de tout ça, parce qu’on ne sait rien de la prochaine victime... Vous devez trouver, ma chère miss Blacklock, qu’il est bien indiscret de notre part d’envahir votre domicile, mais nous obéissons à une véritable mise en demeure de l’inspecteur Craddock. Vous savez qu’il n’a toujours pas trouvé miss Marple ? Bunch est comme folle. Personne ne sait où la pauvre vieille demoiselle est allée au lieu de rentrer au presbytère. Pourvu qu’il ne lui soit rien arrivé ! Une si charmante personne, en possession de toutes ses facultés...
— Tu ne crois pas, maman, souffla Edmund, que tu ferais mieux de te taire ?
— Mais bien sûr, mon chéri ! Je n’ai d’ailleurs absolument rien à dire...
Mrs. Swettenham alla s’asseoir sur le canapé, près de Julia.
Peu après, l’inspecteur Craddock entrait dans la pièce. Il s’immobilisa près de la porte. Les trois femmes étaient en face de lui, Julia et Mrs. Swettenham sur le canapé, Mrs. Easterbrook sur le bras du fauteuil occupé par son époux. Cette disposition, Craddock ne l’avait pas ordonnée, mais elle ne lui déplaisait pas. Miss Blacklock et miss Hinchliffe étaient assises près de la cheminée, Edmund, debout à côté d’elles. Phillipa était dans l’ombre, dans un coin.
Craddock, que suivait un de ses hommes, commença sans préambule :
— Vous savez tous que miss Murgatroyd a été assassinée. Nous avons des raisons de penser qu’elle a été tuée par une femme. Nous en avons d’autres qui nous permettent de réduire le nombre des suspects et je me propose de demander à plusieurs d’entre vous ce qu’elles ont fait aujourd’hui, entre quatre heures et quatre heures vingt. Je suis déjà renseigné sur les mouvements de la jeune personne que nous connaissons sous le nom emprunté de miss Simmons. Je lui demande de répéter sa déposition. Je tiens à la prévenir qu’elle peut ne pas me répondre si elle pense que ses déclarations puissent constituer des charges contre elle et à lui signaler que tout ce qu’elle dira sera enregistré par écrit par l’agent Edwards et pourra être utilisé devant le tribunal.
Très pâle, mais pourtant très maîtresse d’elle-même, Julia parla.
— Je répète qu’entre quatre heures et quatre heures et demie, je suivais le sentier qui, en bordure des champs, mène au ruisseau qui passe près de la ferme Compton. J’ai rejoint la route en traversant la prairie où il y a trois peupliers. Je n’ai rencontré personne. Je n’ai pas été dans les environs des Boulders.
— Mrs. Swettenham ?
Mrs. Swettenham ferma les yeux.
— Le difficile, voyez-vous, c’est que je n’ai aucun sens de l’heure... et que, depuis la guerre, toutes nos pendules sont plus ou moins détraquées, sans que je puisse dire celles qui avancent et celles qui retardent. A quatre heures, je devais être dans le jardin, en train de m’occuper de mes chrysanthèmes... Non, ça, c’était plus tôt, avant la pluie...
— C’est à quatre heures dix, exactement, que la pluie s’est mise à tomber.
— Ah ! oui ? Voilà qui va m’aider énormément !... Aucun doute, alors, j’étais en haut, où je nettoyais la gouttière, qui était pleine de feuilles, ce qui risquait de provoquer une inondation dans mon couloir. J’avais appelé Edmund, pour m’aider, mais il ne m’avait pas répondu et, pensant qu’il écrivait, je n’avais pas insisté. Quand je suis redescendue, il était six heures un quart à l’horloge de la cuisine.
L’agent Edwards fronça le sourcil.
— Ce qui revient à dire, poursuivit Mrs. Swettenham, imperturbable, qu’il était cinq heures moins vingt, ou à peu près.
— Personne ne vous a vue, pendant que vous nettoyiez la gouttière ? demanda Craddock.
— Non. Si j’avais aperçu quelqu’un, je lui aurais fait signe. Je me serais bien arrangée d’un coup de main !
L’inspecteur s’adressa à Edmund.
— Quand votre mère vous a appelé, monsieur Swettenham, vous n’avez pas entendu ?
— Non. Je dormais profondément.
Mrs. Swettenham posa sur son fils un regard lourd de reproches.
— Et moi qui croyais que tu travaillais !
Craddock se tourna vers Mrs. Easterbrook.
— Vous, madame, où étiez-vous ?
Mrs. Easterbrook fixa le policier de ses grands yeux innocents.
— J’étais dans la bibliothèque avec Archie. Nous écoutions la radio. N’est-ce pas, Archie ?
Il y eut un long silence. Puis, le colonel, qui était devenu très rouge, mit sa main sur celle de sa jeune femme et déclara :
— Il s’agit de choses graves, ma chérie, et j’ai bien peur que tu ne t’en rendes pas compte... C’est un témoignage qu’on te demande et les faits sont les faits...
— Voudrais-tu dire que tu n’étais pas avec moi ?
— Effectivement, mon amour, à cette heure-là, je n’étais pas avec toi. J’étais à l’autre bout du village avec Lampson, le fermier, à qui je parlais de ses poulets. Il était environ quatre heures moins le quart et je ne suis rentré à la maison qu’après la fin de la pluie, juste pour le thé. Laura préparait les rôties.
— Vous, madame Easterbrook, êtes-vous sortie ?
La pauvre petite dame avait l’air d’une bête traquée.
— Non. J’écoutais la radio. Je n’ai pas été dehors à ce moment-là. J’étais sortie plus tôt, vers... vers trois heures et demie... Une simple petite promenade, qui ne m’a pas menée loin...
Elle semblait attendre d’autres questions. Elles ne vinrent pas, Craddock se contentant de remercier Mrs. Easterbrook et d’annoncer que les dépositions seraient dactylographiées, pour être ensuite certifiées et signées par leurs auteurs.
Mrs. Easterbrook lui lança un coup d’œil furibond.
— Mais pourquoi ne demandez-vous pas aux autres où ils étaient ? A la femme Haymes, par exemple ? Ou à Edmund Swettenham ? Qu’est-ce qui vous prouve qu’il dormait, ainsi qu’il le prétend ? Personne ne l’a vu.
Craddock répondit, sans se départir de son calme :
— Miss Murgatroyd, avant de mourir, a précisé certaines choses. Le soir du « hold-up », quelqu’un qui passe pour n’avoir pas bougé de ce salon est bel et bien sorti de la pièce. Miss Murgatroyd a nommé à son amie ceux qu’elle a vus et, procédant par élimination, elle s’est avisée qu’il était effectivement quelqu’un qu’elle n’avait point vu.
— Mais, protesta Julia, personne ne pouvait rien voir !
— Personne, excepté Murgatroyd, remarqua miss Hinchliffe de sa voix grave. Elle était juste derrière la porte, à l’endroit précis où l’inspecteur se tient en ce moment. Seule, elle a pu voir ce qui se passait.
— Vous croyez ça ?
C’était Mitzi qui, à son tour, intervenait dans le débat. Mitzi, à qui personne ne songeait et qui, très surexcitée, faisait dans la pièce une entrée à sensation. Volubile, elle poursuivit :
— Naturellement, on ne m’a pas convoquée ! La police se moque bien de moi ! Qu’est-ce que je suis, moi ? Mitzi, la bonne ! Je ne compte pas ! On me laisse à la cuisine. C’est ma place ! Seulement, on a tort... Parce que Mitzi voit aussi bien que n’importe qui, et probablement mieux ! Mais oui... Ce soir-là, j’ai vu certaines choses... Des choses qui m’ont paru absolument incroyables... Si incroyables que je me suis dit qu’il serait toujours temps de les raconter et que je pouvais attendre...
— Pensant probablement que la personne intéressée ne se refuserait pas à récompenser votre silence ? s’enquit Craddock d’un ton narquois.
Mitzi se tourna vers lui avec la vivacité d’une chatte en colère.
— Et pourquoi pas ? En me taisant, je faisais preuve de générosité, de grandeur d’âme. Ça ne mérite pas quelque chose, ça ? D’autant que je savais fort bien que la personne de qui je pouvais espérer quelque chose serait un jour fort riche ?... Alors ? C’était comme ça et je ne le cache pas ! Seulement, maintenant, j’ai peur et je tiens à ma peau. Je ne veux pas être tuée, moi aussi, et c’est pourquoi j’ai décidé de parler.
Craddock restait sceptique.
— Très bien ! Je vous écoute.
— Ce soir-là, je n’étais pas dans ma cuisine en train de nettoyer mon argenterie, comme je l’ai raconté. Quand j’ai entendu tirer, j’étais déjà dans la salle à manger. J’ai regardé par le trou de la serrure. Le vestibule était dans l’obscurité et je n’ai rien vu. Mais, au second coup de feu, j’ai vu la torche électrique tomber par terre et je l’ai vue, elle, tout près de l’homme, un revolver à la main. C’était miss Blacklock !
Miss Blacklock, stupéfaite, sursauta.
— Moi ? Vous devez être folle !
Edmund, lui aussi, protestait.
—Mais c’est impossible ! Mitzi ne peut pas avoir vu miss Blacklock...
Craddock ne laissa pas Edmund achever.
— Vous l’avez dit, monsieur Swettenham ! Elle ne peut pas avoir vu miss Blacklock. Et vous savez pourquoi ? Simplement, parce que la personne qui était là, le revolver au poing, ce n’était pas miss Blacklock ! C’était vous !
— Moi ?
— Mais oui ! C’est vous qui avez pris le revolver du colonel Easterbrook et vous aussi qui avez organisé toute l’affaire avec Rudi Scherz, en lui faisant croire qu’il s’agissait d’une bonne blague. Vous avez suivi Patrick Simmons dans le petit salon et, quand la lumière s’est éteinte, vous vous êtes glissé dans le vestibule par la porte dont vous aviez préalablement huilé les gonds. Vous avez tiré sur miss Blacklock. Vous avez abattu Rudi Scherz et, quelques secondes plus tard, vous vous retrouviez dans le salon, essayant de faire fonctionner votre briquet !
Edmund, à qui les mots manquaient, fut un instant avant de répondre.
— Mais pourquoi aurais-je fait tout ça ?
— Parce que, ne l’oubliez pas, si miss Blacklock vient à mourir avant Mrs. Gœdler, deux personnes se trouvent hériter, deux personnes que nous connaissons sous les noms de Pip et d’Emma. Emma, nous le savons maintenant, c’est Julia Simmons...
Edmund éclata de rire.
— Et vous vous imaginez que je suis Pip ?... C’est fantastique, tout simplement ! J’aurais l’âge voulu, d’accord... mais, pour le reste, il y a erreur et je vous prouverai, quand vous voudrez, que je suis bien Edmund Swettenham. Avec des extraits de naissance, des livrets scolaires, des diplômes universitaires, tout ce que vous pouvez souhaiter...
— Pip, ce n’est pas lui !
La voix venait du coin le plus sombre de la pièce. Très pâle, Phillipa Haymes vint vers l’inspecteur.
— Pip, dit-elle, c’est moi !
— Vous ?
— Oui. Vous semblez tous avoir tenu pour acquis que Pip était un garçon. Pip et Emma étaient des jumelles. Julia ne l’ignorait pas et je ne sais pourquoi elle ne l’a pas dit cet après-midi...
— Par solidarité familiale, répondit Julia. C’est brusquement, d’un seul coup, que j’ai compris que vous étiez Pip. Jusque-là, je ne m’en doutais pas.
D’une voix qui tremblait un peu, Phillipa reprit :
— J’avais eu presque la même idée que Julia. La guerre terminée, mon mari disparu, ma mère morte depuis plusieurs années, je me demandais ce que j’allais devenir quand j’appris que j’avais peut-être quelque chose à espérer du côté des Gœdler, bien que Mrs. Gœdler, de qui les jours étaient comptés, dût laisser sa fortune à une certaine miss Blacklock. Je me renseignai et... je vins ici, pour travailler chez Mrs. Lucas. Je pensais que miss Blacklock, n’ayant pas de parents proches, pouvait apporter une aide précieuse, non pas à moi, qui n’ai besoin de rien, étant donné que je puis travailler, mais à Harry, à qui je voudrais voir faire des études. En somme, miss Blacklock allait disposer de tout l’argent des Gœdler et elle était seule au monde... Et puis...
Phillipa Haymes hésita, avant de poursuivre d’un trait, comme si les mots se pressaient en foule pour traduire sa pensée :
— Et puis, il y a eu ce « hold-up » et j’ai eu peur... Peur, parce que je me rendais compte que j’étais vraiment la seule personne qui eût des raisons de tuer miss Blacklock. Je ne soupçonnais pas l’identité de Julia... Nous sommes jumelles, mais nous ne nous ressemblons pas... Non, il n’y avait qu’une suspecte possible et c’était moi !
Elle se tut et, comme elle rejetait ses cheveux en arrière d’un geste machinal, Craddock s’avisa brusquement que l’une des photos jaunies qu’il avait examinées ne pouvait être qu’un portrait de la mère de Phillipa. La ressemblance était indéniable.
— Miss Blacklock, reprit Phillipa, a été bonne pour moi, très bonne, et je n’ai jamais essayé de l’assassiner. Je puis même assurer que je n’y ai jamais songé. Malgré cela, Pip, je le répète, c’est moi...
Après un silence, elle ajouta :
— Vous voyez, inspecteur, que vous ne pouvez plus soupçonner Edmund...
— Vraiment ? Je n’en suis pas convaincu. Edmund Swettenham est un jeune homme qui aime l’argent, un jeune homme, j’en suis sûr, qui épouserait volontiers une femme riche. Or, celle à qui il songe ne peut devenir riche qui si miss Blacklock disparaît avant Mrs. Gœdler. Celle-ci ayant toutes chances de mourir la première, il était nécessaire de faire quelque chose. N’est-ce pas, monsieur Swettenham ?
— Vous mentez ! cria Edmund.
Au même instant, un hurlement de terreur se faisait entendre, venant, semblait-il, de la cuisine.
— Ça, s’écria Julia, ce n’est pas Mitzi !
— Non, répliqua Craddock, c’est quelqu’un qui a trois assassinats sur la conscience !